Apolline •• « It's coming, babe ... »

« Tout à l’heure, James a déclaré que rien n’était pire que la colère. Je pense qu’il y a pire. Pire que la colère, pire que la peine que vous pouvez ressentir. Il y a l’indifférence, cette impression de n’être plus rien aux yeux d’une personne qui représentait tout pour vous. Une jeune fille que je connaissais en a fait la douloureuse expérience. Elle n’avait rien pu faire d’autre que subir la décision infligée par son père. Pendant l’espace de quelques semaines, elle n’avait plus été le maitre de sa vie. Elle n’avait été qu’une spectatrice prenant part à une pièce inconnue qui se déroulait devant ses yeux. Elle avait vu sa mère sombrer, son frère prendre la place de la figure paternelle, sa sœur s’endurcir. Mais elle, elle n’avait pas su encaisser ses changements. Pour retrouver un sens à sa vie, elle avait voulu se prouver qu’elle aussi pouvait à nouveau être actrice de sa propre vie. Enchainant les conneries, elle n’avait pas compris qu’il y avait d’autres façons de devenir quelqu’un. Elle n’avait pas compris que la drogue n’anesthésierait pas sa douleur, du moins pas tout le temps. Elle n’avait pas compris qu’un jour ou l’autre, elle se prendrait cette claque qu’elle avait tenté d’éviter à tout prix. Elle avait été lâche, lâche de ne pas faire face. Au fond, elle aurait aimé être comme son père, indifférente à tout. Mais la vérité, c’est que la jeune fille était une écorchée vive qui souffrait et qui voulait oublier toute cette douleur. La drogue a su l’épargner de la douleur pendant quelques mois, mais elle se l’ai prise finalement cette grande claque dans la gueule. Elle a souffert et la drogue ne lui a plus rien épargné. Une fois qu’on a conscience de sa douleur, la drogue ne fait qu’amplifier celle-ci. La jeune fille avait oublié que la seule chose qui aurait pu la sauver c’était l’amour de sa famille. »

Apoline Rochelle prit une grande inspiration avant d’enchainer son discours.

« Cette histoire, c’est la mienne. Celle d’une petite blonde qui a grandit dans un foyer déchirée, qui n’a pas su faire face à l’indifférence des autres et qui a sombré. Je m’appelle Apoline. J’ai vécu ici toute ma vie. Certains d’entre vous m’ont même vu grandir. Vous vouliez savoir ce que je ressentais, voilà vous savez. Mon histoire n’est pas différente des autres. Je n’ai pas eu de traumatismes majeurs. Personne n’a abusé de moi. Je ne me suis pas faite agressée. Pourtant, je suis là, à 17 ans, à fêter mes 6 mois de sevrage. Parce que oui, la coke pour moi, c’est fini, et ça c’est grâce à l’intérêt que ma grande sœur et mon grand frère m’ont porté. Comme quoi, l’indifférence peut causer de grands dégâts, mais l’amour peut sauver de tout. Merci Jules et Caïn »

La jolie blonde accorda un sourire à son frère et à sa sœur avant de descendre de l’estrade mise en place pour l’événement. Une nouvelle réunion des addict anonymes venait de se tenir, mais celle-ci avait été différente des autres. Line avait du faire un discours pour fêter ses 6 mois d’abstinence. Un des points du programme pour qu’elle se rende compte de ce qu’elle avait traversé jusque là. Et aujourd’hui, alors que sa sœur et son frère la prenait dans ses bras, elle était plutôt fière du parcours qu’elle avait parcourue. Elle voyait enfin une éclaircie dans le nuage sombre qui l’avait accompagné depuis le départ de son père.

« Jules y a des bruits bizarres dans ma chambre. »


La jolie blonde, âgée de 14 ans depuis quelques mois déjà venait de débouler dans la chambre de sa sœur à une vitesse ahurissante. Jamais elle n’avait traversé le couloir aussi rapidement. Habituellement, il fallait plutôt une grue pour la tirer de sa chambre. Mais là, elle avait entendu un boum horrible et l’orage qui se tenait dehors n’arrangeait en rien ses sentiments confus. C’était une froussarde, ce fait n’était plus à démontrer. Toute la famille Rochelle savait que la jeune Apolline pouvait crier pour un rien, que ce soit à la vue d’un insecte ou du moindre bruit suspect.

« Putain Line, je dors là. Retourne dans ta chambre. » Rouspéta sa sœur ainée.
« Mais y a des bruits bizarres je te dis. Peut être que quelqu’un essaye d’entrer par effraction dans ma chambre pour me kidnapper ou peut être pire pour me tuer. Tu viendras pas te plaindre demain matin quand on me retrouvera égorgée et pleine de sang. »
« Oh mon dieu, j’ai du être adoptée. »
« Arrêtes tes bêtises et va voir ce que c’est. »
« Comme ça c’est moi qu’on kidnappera. »
« Ben t’es la plus grande, alors prend tes responsabilités. »

La plus jeune tira sur la couverture qui recouvrait son ainée avant de lui prendre le bras pour la forcer à sortir du lit. Apolline restait bien cacher derrière sa sœur, lui broyant le bras par la même occasion. Jules ouvrit la porte de la chambre de sa jeune sœur doucement et attrapa rapidement un parfum qui trainait par là.

« Je croyais que t’avais pas peur »
« Oh la ferme Line. »

Un bruit retentit et un souffle rapide et rauque se fit entendre aux abords de la fenêtre de la jeune fille qui venait de s’ouvrir. Les deux jeunes filles se mirent à hurler et Jules aspergea de parfum toute la chambre, sans réellement chercher à asperger l’intrus.

« Mais chut, vous allez me faire repérez. »
« Caïn ? » crièrent éberluée les deux jeunes sœurs.
« Qu’est ce que tu fais dans ma chambre ? »
« J’essaye de rentrer en douce, mais avec vous, papa et maman ont du entendre que j’étais sorti en
cachette. »
« Ils sont sortis et à cause de l’orage ne rentreront pas ce soir. »
« Ouf… Jules pourquoi tu me menaces avec ce parfum ? »
« Oh tu sais, elle a entendu du bruit et a cru que quelqu’un allez venir me kidnapper. Complètement folle. »
« Liiine. »

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"Oh mother dear we're not the fortunate ones and girls they want to have fun.”
Apolline chantait la chanson super kitsch, symbole de toute une génération au volant de sa vieille voiture cabossée.
« T’as une super voix Rochelle. »
« Oh ta gueule, James, t’es complètement camé. »
« Comme toi. »

La jeune Rochelle en question explosa de rire face à la situation, qui au fond n’avait rien de drôle. Elle en était même devenue pathétique cette jolie blonde au volant de sa voiture, les yeux défoncés par le manque de sommeil et la coke qui lui pourrissait le cerveau. Elle augmenta le son et appuya sur l’accélérateur pour arriver chez elle.

" GIRLS JUST WANT TO HAVE FUUUUUUN.”

Elle freina brutalement devant la maison d’un geste brusque et laissa sa voiture comme ça, mal garé au milieu de l’allée. Elle en avait rien à faire de savoir si sa voiture gênait ou pas. A vrai dire, ces derniers temps elle se souciait de rien, si ce n’est d’elle-même et de ses doses quotidiennes. Elle était devenue égoïste. Elle ne pensait qu’à sa propre douleur, sans se soucier des sentiments de sa sœur et son frère. Eux aussi avaient souffert du départ de leur paternel, mais Apolline se moquait de tout ça. Une dose dans la narine et elle oubliait tout. Elle ouvrit la porte d’entrée et poussa un petit cri face au comité d’accueil que la famille Rochelle lui avait réservé.

« Oula, une réunion fraternelle et je suis même pas invité. C’est honteux. »
« Oh si t’es invité. Elle est même faite en ton honneur. »
« Oh c’est trop gentil, mais je suis occupé là. A plus mes loulous. James tu viens ? »
« Nan, toi tu restes là Apolline. Et toi … » Caïn prit le dénommé James par le col et le claqua contre le mur. « Tu vas dégager et plus jamais t’approcher de ma sœur. »
« Caïn, laisse le tranquille. Il est gentil. Il me donne pleins de bonbons. »
« Oh mais t’es complètement défoncé. »
« Chuut, c’est un secret. »
« Apolline Lilwenne Rochelle, vous allez venir avec moi dans la salle de bain et tout de suite. Toi Caïn vire ce détritus de la maison. »
« Mais Juuules, je veux un bonbon. »
« Nan. »
« S’il te plait. »
« Nan, c’est fini tes conneries maintenant. Plus de bonbons, plus d’artifices. Ce soir, on va te sevrer et demain t’iras à une réunion des drogués. »

Jules ouvrit la douche et poussa sa sœur tout habillé sous celle-ci. L’eau était bien froide et remit les idées en place à la plus jeune. Elle était sobre, mais c’est pas pour autant que ça allait durer. Le plan de Caïn et Jules était simple. Ils allaient éloigner leur sœur de toute drogue et elle reviendrait la jolie blondinette, avec des petites couettes qui disait oui à tout, qui courrait après Caïn parce qu’elle voulait jouer avec lui, la petite fille qui piquait le maquillage et les habits à sa sœur pour lui ressembler. Mais il n’avait pas prévu que seulement après 5 heures sans drogue, Apolline allait être prise de fièvre, de tremblement et d’envie de vomir. Jules commençait à paniquer et faisait les 100 pas dans la chambre de Line, alors que Caïn tournait les pages de son magasine.

« Faut faire quelque chose, elle souffre le martyr. »
« Si tu veux mon avis, c’est bien fait pour elle. Ca lui apprendra de prendre de la drogue. »
« Caïn, c’est ta petite sœur. »
« C’est pas ma sœur, ça. C’est une droguée. »

Apolline sortit à ce moment précis de la salle de bain, tremblante et en sueur. Ca se voyait bien qu’elle était en manque et qu’elle avait besoin de sa dose. A quel moment était elle devenue dépendante à ce point. Elle s’était toujours dit qu’elle pouvait arrêter à tout moment, qu’elle n’ était pas dépendante, que c’était seulement pour s’amuser. Elle prit sa veste et tenta de sortir de sa chambre, mais Jules s’interposa.

« Où est ce que tu vas ? »
« Faut que tu me laisses passer, Ju’. Je pourrais pas tenir sans rien. » supplia la jeune fille, aux bords des larmes. Jules baissa la tête quelques secondes avant de se pousser pour laisser la place à la jeune fille qui s’empressa de quitter sa chambre. C’est alors qu’intervint le grand frère se mit à lui courir après avant de la prendre sur son dos tel un vieux sac à patate. Il la ramena dans sa chambre.

« Tu n’iras nulle part. S’en ai fini de tes conneries. »
« Laisse-moi passer Caïn. »
« Nan. »
« T’es pas mon père et tu le seras jamais alors laisse moi passer. » Apolline était devenue une experte en coups bas et en méchanceté. Le départ de leur père l’avait profondément changé. La petite fille innocente était devenue une jeune fille blessée, qui tentait de se protéger sous une carapace trop dure à supporter pour elle.
« Je suis ton grand frère et tes méchancetés ne marcheront pas. Alors maintenant reposes toi. La nuit va être longue. »

C’est qu’il pouvait être autoritaire parfois le grand frère. La jolie blonde avait alors acquiescé et s’était rallongé dans son lit, alors que Jules se glissait à ses côtés pour la prendre dans ses bras. La nuit fut l’une des plus agités que la famille Rochelle connut et alors que le sommeil avait emporté les deux jeunes filles, Caïn surveillait d’un regard protecteur chaque fait et gestes et un sourire naquit sur ses lèvres quand un petit désolé et un merci sincère s’échappa des lèvres de la plus jeune des sœurs.