it's partie traumatic | Res. Judith

it's partie traumatic | Res. Judith Punkish

(c) katenator@LJ & punkish@LJ
It's another world since I saw you girl,
Trying to get you
It's another place since I saw your face,
Really something new
ft Judith & Declan__________

Declan grimaça, ses mains moites se crispant sur le volant de sa vieille voiture. La gorge nouée, il n'était plus capable d'articuler ne serait-ce qu'un seul petit mot. Elle allait le prendre pour un attardé mental, s'il ne parlait pas. Il lui jeta un petit regard nerveux, avant de fixer ses yeux sur la route à nouveau. Elle était belle, très belle, il n'y avait rien à redire. Elle n'avait pourtant qu'un simple jean accompagné d'un T-shirt des plus basiques, et son maquillage se limitait à un du rouge à lèvres savamment posé sur ses lèvres pulpeuses. Mais pourtant, dans cette simplicité apparente, elle était terriblement belle, si bien qu'elle lui faisait perdre ses moyens. Il se rappela comment, hier, il était venu lui proposer un rendez-vous alors qu'elle lisait tranquillement, allongée sur la pelouse du lycée : lorsqu'il lui avait demandé s'il la dérangeait, elle lui avait répondu avec un calme déconcertant 'oui'. Jamais une fille ne lui avait répondu de cette façon. Les autres filles, il n'avait qu'à leur dire 'bonjour' pour qu'elles soient déjà toutes à ses pieds, enclines à faire n'importe quoi pour lui. Ce n'était pas le cas de Judith. Declan l'avait croisé maintes fois dans les couloirs du lycée, et jamais elle n'avait daigné lui accorder un regard. C'est ce côté distant qui avait poussé le jeune homme à proposer un rendez-vous à la nouvelle venue. Cependant, le moment venu, il ne savait plus quoi dire. De quoi parler, après tout ? Il ne la connaissait pas. Il avait bien tenté de demander à certaines cheerleaders qui se trouvaient dans sa classe de littérature comment était la demoiselle. Declan n'avait eut que des réponses vagues : personne ne savait très bien qui était Judith Collins. Ca n'allait pas lui faciliter la tâche, et puis il n'avait pas envie de parler du temps qu'il faisait à Dillon - toujours le même - ou bien de la période de reproduction des grenouilles. Il se racla la gorge.
“J'ai pensé aller au Grab Tijuana... Tu dois connaître, c'est un bar sympa !” fit-il, d'une voix pseudo-enthousiasmée. A vrai dire, plus ils s'approchaient du bar, plus il doutait de son choix. D'ailleurs, il bifurqua à droite, entrant dans le parking du lieu-dit. Il se gara avec dextérité, après tout il était un Panthers, et un Panthers savait très bien conduire, c'était la règle. Il tordit sa bouche sur le côté, se passa la main dans les cheveux d'un air nerveux, coupa le contact et récupéra son porte-monnaie qui traînait dans la boite à gants du côté passager. Il prit soin de ne pas frôler Judith, de peur que la demoiselle se rebiffe et s'indigne. On ne sait jamais, car elle paraissait aussi distante que dans les couloirs, et pas très rassurée. Cherchant à détendre l'atmosphère, il continua : “D'ailleurs, il ne me semble pas t'avoir vu au match, hier.” Cela aurait pu sonner comme un reproche, mais dans la bouche de Declan, c'en n'était pas un. Juste une simple remarque. “C'était sympa, on leur a fait mordre la poussière ! T'aurais vu la tête des joueurs quand ils sont sortis du stade !” Il rit, pensant que cela dériderait Judith. Mais cela semblait avoir l'effet inverse. Declan ravala sa salive, ne sachant plus où se mettre. Il descendit de la voiture, et se dépêcha d'en faire le tour pour aller lui ouvrir sa portière. Mais, visiblement, le running-back n'était pas assez rapide puisque la belle était déjà dehors, sur ses pieds. Le romantisme semblait s'effriter au fil des minutes, tandis que Declan devenait de plus en plus pâle et de moins en moins à l'aise, chose plutôt inhabituelle pour ne pas dire carrément rare venant de lui.

Invité

C’était ridicule ! Quelques minutes plus tôt, elle était encore persuadée que Declan Cleveland ne viendrait pas et que ce n’était qu’une sale blague. Alors elle était en tenue de soirée – jean naturellement délavé et t-shirt noir avec un texte en français – quand il avait sonné à la porte. Et maintenant, elle se retrouvait dans sa voiture, à écouter le bruit du moteur et à regarder le paysage de Dillon par la fenêtre. Judith ne pouvait pas dire qu’elle avait eu des tonnes de premier rendez-vous mais c’était bien le seul où ils ne s’étaient toujours rien dit depuis le ‘Salut’ échangé à la porte de chez les Collins. En fait, Judith éprouvait deux émotions contradictoires dans cette voiture : l’amusement, parce que Cleveland avait l’air terriblement mal à l’aise ; la gêne, parce qu’elle ne savait pas du tout quoi lui dire. Franchement, il devait y avoir un truc. Judith n’était PAS DU TOUT le genre de filles qui intéresserait un footballeur. Surtout quand elle observait les soi-disant couples qu’il y avait au lycée. Alors elle était persuadée que ce rendez-vous était bidon, que c’était une façon de se foutre de sa gueule et qu’il allait se passer quelque chose durant cette soirée. Tout à coup, Judith se mit à espérer qu’il ne s’agisse que de méchanceté gratuite et pas d’autre chose… OK. Bon. On arrête de penser à ça. De toute manière, ses pensées s’effacèrent quand elle entendit son chauffeur s’éclaircir la voix. Elle tourna son visage vers lui et l’écouta lui révéler le lieu de leur soirée. Le Grab Tijuana ? Elle lui répondit avec sa moue spéciale « ça me dit rien » et observa le fameux bar quand la voiture s’engouffra dans le parking. Judith n’était jamais venue ici. Pour tout dire, elle ne connaissait quasiment pas Dillon, à part pour aller de chez elle au lycée, de chez elle au supermarché, de chez elle à la bibliothèque et de chez elle au cinéma. Après, vu sa ribambelle de nouveaux amis et son envie de sociabilisation, on ne pouvait pas dire que Judith sortait beaucoup. Oui, ça fait un peu bonne sœur et alors ?

Toujours est-il que, la voiture garée, Judith se demandait encore et toujours pourquoi elle avait accepté ce rendez-vous. Elle se raidit imperceptiblement quand elle vit passer le bras de Declan quelques centimètres au dessus de sa cuisse. Il va l’attaquer ! Ou sortir un flingue de sa boîte à gants… Ah ! Non, son porte-monnaie. Quelle conne ! Judith se détendit. Et se raidit à nouveau quand elle entendit parler du match de la veille. Elle était prise au piège, maintenant. Pourtant, elle ne sentait pas de réelle menace dans la voix du jeune homme. Plutôt comme s’il était étonné qu’un habitant de Dillon puisse manquer l’événement hebdomadaire. Elle allait lui répondre franchement mais il continua avant qu’elle ne puisse ouvrir la bouche. Elle le regarda, sans réaction. Il venait de sortir la réplique typiquement machiste. Nicole aurait parlé de « sentiment de puissance du champion gonflé de testostérone » ou un truc de ce genre. Judith avait conscience de ne faire aucun effort mais elle ne pouvait pas s’en empêcher. Elle ouvrit la portière et sortit de la voiture. L’air décontenancé de Declan lui fit comprendre son erreur. Il comptait lui ouvrir la porte, comme pour faire sortir la princesse de son carrosse. Judith se mordit l’intérieur des joues pour éviter de rigoler. Cette soirée promettait d’être vraiment – vraiment – mal barrée.

« Euh… on y va ? »

Si elle ne prenait pas les devants, ils allaient rester là, sur le parking, à se regarder en chiens de faïence. Sans attendre de réponse, elle enfonça les mains dans les poches de son jean et avança vers l’entrée de la boîte. Quand il arriva à sa hauteur, elle décida de faire un effort.

« Je n’étais pas au match hier, ni les fois d’avant, parce que le foot… euh… c’est pas trop mon truc. Je ne connais même pas les règles, alors… »

Voilà. Ça, c’est fait.

Merde, Cleveland, qu'est ce qu'il t'arrive ?

“ Je n’étais pas au match hier, ni les fois d’avant, parce que le foot… euh… c’est pas trop mon truc. Je ne connais même pas les règles, alors… ”

“Tu dois te faire chier à Dillon.”

“Désolé.”

“Hey, Jack, elle est avec moi !”

“Je suis désolé... encore... Je n'sais pas...”

“Allez, viens, je t'offre un verre.”

Invité

Avec un aveu pareil, Judith s’attendait à se faire planter là, sur le parking, ou alors un subir un discours passionné sur l’art et la manière de jouer au football. Elle n’eut rien de tout ça. Seulement une constatation jetée avec franchise. Elle haussa les épaules. Elle ne pouvait pas prétendre s’amuser comme une folle à Dillon mais comme elle s’entendait bien avec sa famille et que les cours occupaient une grande partie de ses journées, Judith n’avait pas trop à se plaindre. Quand Declan s’excusa, la jeune fille haussa à nouveau les épaules – ça allait devenir un tic nerveux, à force.

« Bah, ne le sois pas, c’est vrai. »

Declan sortait donc avec la prude de service. Voilà, ça aussi, c’est fait. Heureusement, ils arrivaient à l’entrée de la boîte. Le footballeur passa le premier – merci la galanterie – et Judith le suivit. Une sorte de gorille se mit en travers de son chemin, bloquant le passage. Gloups !

« Désolée, p’tite, mais tu peux pas rentrer. »
« Euh… je suis avec lui. »
« Alors ça, ça m’étonnerait ! »

Le videur éclata de rire. Judith soupira mais, bizarrement, ne ressentit aucune honte au fait que le gros balèze se foute de sa gueule. Après tout, vu comme elle était fringuée et vu le type de boîte que c’était, il était évident qu’elle n’avait rien à faire dans un endroit pareil. Aujourd’hui, elle était carrément blasée. Le videur lui fit comprendre qu’elle ferait mieux de déguerpir quand Judith vit ENFIN Declan revenir sur ses pas. Super le rendez-vous ! Avec quelques mots, il la fit pénétrer dans la boîte en la tirant par le bras, comme si le videur pouvait encore changer d’avis et la faire partir définitivement. Elle le suivit docilement, en écoutant son énième excuse. Il la tenait toujours fermement et Judith commençait à éprouver une douleur – se rendait-il compte de sa force ? – mais préféra ne rien dire, afin d’éviter de nouveaux « désolé ! ». Il était quand même super bizarre comme mec ! Là, il la regardait d’un drôle d’air, que Judith ne sut interpréter. Et elle ne préférait sûrement pas savoir. Mais qu’est-ce qu’elle faisait là, bon sang ? Soudain, il la lâcha, comme s’il avait reçu une décharge électrique ou quelque chose de ce genre. OK. Elle était tombée sur le dingue de service. Super, on continue. Mais elle fut soulagée qu’il desserre sa prise car il lui avait vraiment fait mal. Judith passa ses bras dans son dos, afin de la plus que probable marque rouge qui striait l’un deux, et massa son poignet douloureux. Elle regardait à gauche et à droite, dans la boîte, histoire d’éviter le regard de Declan – et voir à quoi ressemblait l’endroit – quand son ton plus enjoué la ramena vers lui.

« Euh… oui, d’accord. » Elle s’autorisa un sourire timide. « Je prendrais une bière… euh… s’il te plaît. »

“Je prendrais une bière… euh… s’il te plaît. ”

“Qu'est ce qui t'amène à Dillon alors, si ce n'est pas le football ?”

“HEEEEEE, CLEVELAND, PETIT FRIPON !”

“Qu'est ce que tu fous là, ma fleur d'anus ?!”

“Comme tu le vois,... Je prends un verre.”

'Je t'attendais mon kiki en sucre'

“Mais, dis-moi, tu es en charmante compagnie ! Et... on n'a même pas été présenté ?”

“Euuh, ben... C'est hm, Judith, elle est nouvelle.”

Invité

Tandis que Declan passait la commande, Judith en profita pour jeter un nouveau coup d’œil dans la salle. C’était beaucoup moins tape-à-l’œil et futuriste que dans les rares boîtes où la jeune fille était allée à Seattle mais on sentait que ça pouvait être aussi vulgaire que n’importe où. En fait, Judith n’était pas fana de ce genre d’endroits. Elle y avait eu quelques mauvaises expériences et ça l’avait un peu refroidie. Mais peu importe, maintenant qu’elle était là, autant essayer de s’amuser un peu, même si ça semblait mal parti. Se tournant vers Declan, elle lui rendit son sourire, en attendant patiemment. Puis marcha sur ses traces quand il réceptionna la commande et se dirigea vers une table un peu plus loin. Elle s’assit contre le mur, ce qui lui donnait une vue sur la piste de danse, au centre de la boîte. Là où ils étaient, la musique était un peu plus étouffée et ils pourraient plus facilement s’entendre que s’ils étaient restés près du bar. Bon. Cela voulait dire qu’il faudrait parler. Super, quand on a rien à dire !

Elle prit la bouteille de bière entre ses deux mains, sans toutefois y toucher, appréciant la fraîcheur du verre, tandis que son voisin faisait le contraire. Un coup dans le nez et hop ! Monsieur serait peut-être moins bizarre après ça. Ou bien plus. Judith retint un soupir. Il serait peut-être temps d’arrêter d’être aussi négative, elle se disait cinq minutes plus tôt d’essayer de profiter un peu de la soirée. Ce n’était quand même pas si difficile ! Dillon commençait sérieusement à la changer. Quand Declan reposa son verre, Judith s’attarda sur son contenu avant de lever le regard sur son visage. Elle n’arrivait vraiment pas à cerner le personnage. Avec tout ce qu’elle avait entendu de la bouche des deux blondes du cours d’histoire, Judith s’était attendu à un mec sûr de lui, pensant uniquement avec son entrejambe. Mais, jusqu’à présent, elle avait eu seulement affaire à un gars nerveux. Le son de la voix de Declan la ramena sur Terre.

« En fait, c’est ma… »

Les explications de Judith furent noyées sous les cris d’une espèce de brute qui s’approchait dangereusement de leur table. La consternation se peignit sur son visage quand elle entendit l’expression « fleur d’anus ». Judith essaya d’imaginer ce que, biologiquement, cela pouvait donner, mais elle secoua la tête pour chasser cette pensée. Beurk. C’est quoi ces mecs ? Le regard de Judith fit la navette entre Declan et la meute qui se tenait devant eux mais son espoir qu’il leur demande de partir – c’était plutôt égoïste, elle ne les connaissait même pas ! – se volatilisa. Trois armoires à glace se joignirent à leur table et Judith se décala inconsciemment, se retrouvant plus proche de Declan. Elle observait la scène, comme un personnage extérieur, quand l’un des garçons jeta son dévolu sur elle. Judith le catalogua tout de suite dans le rang « latin lover qui n’a aucune chance », tandis que celui qui avait hurlé en premier serait plutôt dans la colonne « gros lourd indélicat ». Pour le troisième, il ne s’était pas encore exprimé et le classement inventé par Nicole, son amie de Seattle, ne comprenait aucune case pour les muets. Bref. Judith tendit sa main vers le garçon et la retira avant qu’il ne tente de lui faire le coup du baise-main, typique de son espèce, pendant que Declan faisait les présentations. Ou plutôt la présentation, parce qu’il oublia de lui donner les noms de leurs invités. Judith préféra cependant ne rien dire et, par sécurité, serra ses mains entre ses genoux. Ce faisant, elle croisa le regard désolé de Declan. Quel lâche ! Il allait les laisser s’incruster.

“C'est rare, les nouveaux, par ici. Bienvenue à Dillon ! Si Declan t'a pas fait visiter, je me ferais un plaisir de le faire. Moi, c'est Peter au fait ! Et là, t'as Harry, Harry Eversmann, comme le gérant du supermarché ouais, et Nathan Reegan.”

“D'ailleurs, si tu veux, le Neighbourhood n'est pas loin...”

“PETER !”

Neighbourhood

Neigbourhood

“Hé, Cleveland, tu te calme. T'as qu'à aller voir ailleurs, t'en a d'autres toi, on m'a dit que Dylan Cheerfield te courrait encore après ! Apparemment une fois lui a pas suffit. Tout comme Jules d'ailleurs. C'est quand que tu la baise à nouveau celle là ?”

“Tu n'parles pas de Jules comme ça.”

“Quoi ? Tu veux qu'on en parle comment ? Mais bon... c'est vrai qu'après tout, c'est juste de... l'inceste.”

“Hé, bande de petits merdeux, vous faites ça DEHORS !”

Mais merde, merde, merde

Merde

Invité

« Enchantée ! »

C’était la seule formule d’usage que Judith était capable de prononcer à ce moment-là. Elle sourit à chacun des trois garçons, serrant un peu plus ses mains entre ses genoux. Ce n’était pas son habitude d’être aussi « timide » avec ses congénères, même du sexe opposé, mais elle cette soirée la plongeait trop vite dans le monde de Dillon, ce qui la perturbait. Au lycée, au moins, la baignade était progressive, on apprend à connaître en observant, en faisant quelques expériences. Dans cette boîte, avec ces quatre garçons, c’est la tête enfoncée dans les toilettes. Et il semblait qu’on ne la lui retirerait pas de sitôt ! Judith s’apprêtait à demander candidement ce qu’était le « Neighbourhood » (c’était une manière comme une autre de paraître sociable et d’avoir une langue) mais l’injonction de Declan lui fit perdre tout élan. Elle tourna alors son regard vers lui et fut surprise de constater à quel point il était tendu. Prêt à s’élancer, telle la panthère sur sa proie. Ça y est ! Si Judith commençait à utiliser des métaphores dilloniennes, c’était la fin des haricots.

Ce serait peut-être la fin tout court. L’air se chargea d’électricité. Le fils du supermarché – Henry ?- commença à déballer des noms et à faire plus que des allusions à des relations intimes. Bon. Judith était loin d’être une prude, mais entendre des mecs parler aussi crûment devant elle, c’en était carrément gênant. D’ailleurs, depuis un moment, elle avait l’impression de ne plus exister. Ils semblaient avoir oublié sa présence ou alors ils s’en fichaient. Judith sursauta quand Declan frappa du poing sur la table. Machinalement, elle retint sa bouteille de bière qui menaçait de tomber à terre. Tiens, d’ailleurs, il n’avait pas encore eu l’occasion d’y toucher. Mais qu’est-ce qu’elle foutait ici, bordel ? Declan se levait, et l’un des trois autres gars l’empoigna. Judith n’écoutait pas vraiment ce qu’ils se disaient – ça ne la regardait pas – mais le mot « inceste » la fit sourciller. Elle fut presque aussi sonnée que celui qui venait de se prendre le gnon. Declan avait couché avec sa sœur ? Est-ce qu’elle avait bien compris ?

Ce n’est que quand elle retrouva l’air frais du dehors que Judith prit conscience que Declan l’avait prise par le bras et lui avait fait traverser la salle en sens inverse pour sortir de la boîte. Elle s’était laissée faire, trottinant derrière lui sans s’en rendre compte. A force d’être aussi passive, il allait la prendre pour une poupée sans cervelle. Il la lâcha et Judith reprit peu à peu les commandes de son corps et de son cerveau. Instinctivement, elle s’éloigna de lui. Elle aurait dû partir. Là, maintenant. Sans un mot, et à pieds. Se barrer de cet endroit et rentrer chez elle – il n’était même pas tard. Mais elle ne le fit pas. Les mots sortaient tous seuls.

« OK. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé là-dedans mais c’était… trop bizarre. » Elle montra du doigt la boite dont ils venaient de sortir pour accentuer ses propos. « Je ne veux même pas de savoir de qui il était question ni même si c’est vrai ou faux. Je m’en fous et je n’aurais jamais dû accepter de sortir avec toi. Je ne sais vraiment pas pourquoi je l’ai fait. C’est quoi cette ville de dingues, putain !?! »

Judith se passa une main sur le front et poussa un long soupir. Le regard rivé sur le bitume du parking, elle venait d’expulser toute la tension qu’elle avait emmagasinée à l’intérieur. C’est maintenant qu’elle aurait eu besoin de sa bière. Quand elle eut récupéré un peu, elle releva les yeux et fixa Declan.

« Tu crois que tu peux me ramener ou je rentre à pieds ? »

« OK. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé là-dedans mais c’était… trop bizarre. »

« Je ne veux même pas de savoir de qui il était question ni même si c’est vrai ou faux. Je m’en fous et je n’aurais jamais dû accepter de sortir avec toi. Je ne sais vraiment pas pourquoi je l’ai fait. C’est quoi cette ville de dingues, putain !?! »

« Ecoute, je vais tout t'expliquer... »

« Tu crois que tu peux me ramener ou je rentre à pieds ? »

« Jules est ma demi-soeur. On a rien en commun, alors j'ai pas à me justifier. »

« Et c'est arrivé qu'une fois, il y a deux ans. »

« Je suis désolé que ça se soit passé comme ça. »

Invité

Judith fut contente qu’il n’essaye pas de s’expliquer. Enfin… c’était peut-être mauvais signe, non ? Il se foutait vraiment d’elle, alors. Bah ! De toute façon, elle s’en fichait elle aussi, non ? Les bras croisés sur la poitrine, les sourcils froncés, elle suivit Declan jusqu’à la voiture. Cette fois c’était sûr, il n’en avait rien à faire : il n’avait même pas pris la peine de lui ouvrir la portière. En soupirant, elle se dit qu’il était encore temps de changer d’avis et de partir à pieds. Quelques secondes plus tard, elle était installée à la place du mort, ceinture attachée, cheveux ramenés derrière son dos. Elle avait décidé de ne rien dire, et espérait que le connard à côté d’elle en ferait autant. C’était raté. Quand il commença, elle tourna vivement la tête vers la vitre de sa portière et regarda défiler les maisons. Bon sang mais elle s’en fiche de tout ça ! Il peut faire ce qu’il veut, ça ne la regarde pas. Alors Judith garda le silence, priant pour arriver rapidement chez elle. En même temps, elle redoutait le « alors ? » que lui lancerait sa sœur dès qu’elle serait de retour. Quelle soirée de merde, franchement ! Pour la énième fois de la soirée, Declan s’excusa. Judith tourna la tête vers lui et l’observa. Il n’avait pas vraiment l’air du mec désolé.

« Tu n’en as pas l’air, mais peu importe. Je voudrais juste te poser une question. »

Judith prit le temps de réfléchir aux mots qu’elle allait utiliser. Cette question lui trottait dans la tête depuis la veille, au moment où il l’avait invitée à sortir. Et maintenant que cette soirée était complètement ratée, elle n’avait rien à perdre.

« Pourquoi tu m’as invitée ? C’était quoi, un pari avec tes copains footballeurs ? Parce que si c’est pour te foutre de moi, c’est réussi, crois-moi. Et j’apprécierais que tu sois honnête avec moi, au moins une fois dans cette foutue soirée. Après, tu pourras dire ce que tu veux à tes potes, que je ne suis pas « bonne » ou je ne sais pas comment vous dites ici ; je m’en fiche. Je veux juste que ce soit clair entre toi et moi. »

Judith avait fait un peu plus long que ce qu’elle avait préparé dans sa tête mais, au moins, elle venait de déballer tout ce qu’elle avait sur le cœur. S’il lui avouait que oui, il était sorti avec elle juste pour s’amuser avec la nouvelle, elle le prendrait mal. C’est dans un moment comme celui-là que la confiance en soi de Judith volait en éclat. Il n’y avait qu’à la regarder, franchement. Pour quoi d’autre un type comme Declan voudrait-il sortir avec elle si ce n’est pour rigoler ? Il était quand même temps d’avouer que Declan était le sportif canon par excellence. Et avec toutes les belles plantes qui papillonnent autour de lui, pourquoi choisir la fille insignifiante à part pour un pari stupide ?

« Et merde ! J’ai été conne, franchement ! »

Cela lui échappa et, honteuse, elle fourra son menton dans la paume de sa main, le visage contre la vitre passager. Merde.

« Tu n’en as pas l’air, mais peu importe. Je voudrais juste te poser une question. »

« Et merde ! J’ai été conne, franchement ! »

'oui

'oui'

« Si j'avais simplement voulu m'amuser avec une fille ce soir, j'aurais appelé une rally-girl, et elle aurait pu aller s'envoyer en l'air au Neighbourhood avec ce merdeux de O'Malley que je lui aurait même offert la capote tellement j'en aurais eu rien à foutre. »

« Alors, quoi maintenant, Seattle ?

Tu vas répandre ton premier potin made in Dillon lundi matin, en claironnant que Cleveland a bégayé durant tout le rendez-vous, puis a fait une mini-crise de jalousie pitoyable ? »

Invité

Quand la voiture s’arrêta à côté du trottoir, la tension ne faiblit pas. Judith posa la main sur la poignée mais la voix sans ton de Declan stoppa son mouvement. Ce mec était trop bizarre. Une fois il se fondait en excuses et la suivante, il paraissait tout droit sorti de Terminator. D’ailleurs, maintenant qu’elle y pensait, avec l’atmosphère qui régnait dans la voiture et ce qu’elle venait de lui dire, elle fut surprise de ne pas s’être pris une claque. Une vraie. Parce que là, elle s’en prit une, mais différemment. Judith écouta ce que Declan avait à lui dire, la réponse à sa question. La main toujours sur la portière, elle eut un peu de mal à suivre son raisonnement mais cela voulait sûrement dire que non, ce n’était pas juste pour rigoler. Bon. C’était déjà ça. Malgré tout, vu le peu d’enthousiasme qu’il y mettait, Judith avait toujours un doute.

Elle l’observait toujours quand il continua, avec une expression sur le visage, cette fois-ci. Elle tiqua quand il la surnomma « Seattle ». Puis elle tourna la tête en baissant les yeux sur son jean quand il parla de raconter à tout le monde ce qui s’était passé. Judith rougit, prenant conscience qu’elle y était peut-être allée un peu fort sur ce coup-là. Elle s’était peut-être trompée sur son compte, finalement.

« Je suis désolée, » commença-t-elle difficilement. Elle releva la tête vers lui. « Je t’ai peut-être mal jugé, mais tu fais la même chose. » Une once de reproche, pour ce qu’il venait de dire. Judith était bien la dernière fille au monde à raconter des potins à qui veut les entendre. A part à sa sœur, elle ne se permettait pas de lancer n’importe quoi sur les autres. Car elle fut la première à en souffrir il y a plusieurs années et elle sait parfaitement que ce n’est pas évident à vivre, même si on croit s’en foutre. Et puis, même si elle racontait tout ça demain, qui la croirait ? Est-ce qu’on donnerait plus de vérité à la version du footballeur populaire ou de la nouvelle qui veut se faire remarquer ?

« Je ne te connais pas, Declan, alors excuse-moi si je t’ai blessé, j’ai cru que… Enfin bref… » Elle n’allait quand même pas lui avouer que, à défaut de les répandre, les ragots, elle les avait écoutés et plus ou moins crus ? Après tout, c’était tellement facile dans ce genre d’endroits – ceux qu’on ne connaît pas – de croire la première personne qui vous parle. Et entendre tous ces commentaires sur Declan Cleveland en cours d’histoire, forcément, ça vous forge une première impression…

« Bon ben… on se verra sûrement au lycée alors… euh… salut ! »

Pff ! N’importe quoi. Judith tira sur la poignée et sortit de la voiture la tête tournée vers sa résidence, grimaçant de sa propre stupidité. Elle n’allait quand même pas le remercier pour la « super » soirée qu’ils avaient passée ensemble mais de là à sortir une banalité pareille, franchement !

'nul'

'cocasse'

'raté'

« Je t’ai peut-être mal jugé, mais tu fais la même chose. »

« Non. Je voulais te montrer ce que ça faisait être mal jugée. »

l'avoir blessé

« Bon ben… on se verra sûrement au lycée alors… euh… salut ! »

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» judith ▬ today, i'm gonna fly